Le judaïsme est né, en partie, en Perse

En 586 BCE, Nabuchodonosor s'empare de Jérusalem, incendie le Temple et déporte plusieurs milliers de Judéens à Babylone. L’exil des juifs commence à Babylone, il durera 50 ans nous dit la Bible.

Les exilés apprennent alors à vivre leur foi en terre étrangère, au milieu des païens, sans temple et sans roi. L’exil est, un temps de "métissage culturel", qui remet en cause son identité culturelle. À Babylone, les Juifs rencontrent, au risque d’y perdre leur âme, d’autres peuples, exilés comme eux et les brillantes civilisations babylonienne et perse. Une rencontre va changer la face de la religion des exilés.

Par sa rencontre d'abord avec la très vieille religion babylonienne, puis avec la civilisation perse, celle des Achéménides, la religion de l'ancien Israël se transforme pour devenir le judaïsme, avec de nouveaux mythes et de nouveaux rites. La mythologie mésopotamienne va inspirer les auteurs de la Genèse. Que serait le récit de la Création sans Gilgamesh, "le grand homme qui ne voulait pas mourir" selon Jean Bottéro ? Ce vieux texte mésopotamien nous raconte la plus vieille histoire du Déluge, mais par écrit bien avant la Bible. Que serait le mythe du bouc émissaire sans les célébrations du Nouvel An à Babylone ? Au cours de ces cérémonies, on sacrifiait un bélier et on humiliait le roi de Babylone. Le cinquième jour de ces cérémonies, on égorgeait un bélier qu'on jetait ensuite dans le fleuve. Il emportait les pêchés de Babylone avec lui. Le même jour, le roi était dépouillé de ses vêtements et de tous ses insignes royaux, on l'humiliait et on le giflait. Ces pratiques annoncent ce que subira Jésus lors de sa passion.

Que serait notre Paradis, sans les jardins de Babylone, de Suse ou de Persépolis ? Le terme paradis vient de l'iranien avestique "pairidaēza", traduit par enceinte royale. On le retrouve plus tard en iranien sous la forme de "pardez", enclos. Les Grecs l'adopteront ensuite sous la forme de "paradeisos", un parc. Tout ceci nous mène à notre mot latin "paradisus". Chaque palais achéménide avait son jardin, dans lequel le roi se posait protecteur de la Création. Les rédacteurs de la Bible ne l'ont pas oublié, puisque les débuts de l'Humanité se déroulent dans le Paradis.

Le contact avec les astrologues babyloniens les oblige à réformer le calendrier liturgique, pour le rendre plus précis que l’ancien calendrier lunaire. "C’est probablement lors de cette réforme du calendrier qu’ils transposèrent la date des « sabbats ", fêtes traditionnelles liées à la pleine lune et associées aux néoménies, en une fête chômée tous les sept jours s’inspirant du calendrier mésopotamien des "jours dangereux".

La Perse a été aussi une grande inspiratrice de la Bible. Nombres d'écrits bibliques ont vu le jour à l'époque perse, comme les livres historiques comme les Chroniques, les livres d'Esdras, et de Néhémie ou comme les livres prophétiques de Zacharie, d'Aggée et de Malachie, sans oublier de Joël qui annonce l'attente du jour de Jugement. L'ouvrage biblique le plus teinté aux couleurs de la Perse est sans doute le livre d'Esther. L'histoire se déroule à Suse à la cour d'un roi nommé Assuérus, identifié sans trop de contestation avec Xerxès. Le judaïsme célèbre encore l'histoire d'Esther lors de fête de Pourim.

On le voit la Perse a été une terre ou naquit la Bible.

Richard Lebeau