"Allez, enseignez…" L’envoi de Pentecôte

Il faut imaginer le forum de Jérusalem un jour de Pentecôte de l’an 30.

La foule composite grouille dès le point du jour. Tous sont venus, de partout, vendre leurs œufs, leurs poulets, leurs épices, ou même leurs œuvres artisanales confectionnées de bric et de broc. On crie, on s’interpelle, on commerce, on s’agglutine autour d’estrades dressées à la hâte sur lesquelles sont juchés des bonimenteurs venus raconter leurs rêves, leur philosophie, leur religion.

C’est que ce rassemblement n’est pas ordinaire. Si depuis des siècles la pentecôte était la fête de la moisson des blés, depuis le retour d’Égypte on l’a associée à la commémoration du don de la Torah au Sinaï. Et l’on respecte toujours le temps qui sépare cette fête de la Pâque qui se rapporte désormais à la sortie d’Égypte et au passage de la Mer des Roseaux, 7 semaines plus tôt, exactement.

Quelques semaines après la mort et la Résurrection de Jésus, la Pentecôte attire toujours autant de monde. On vient de partout. Les apôtres, à la façon des bonimenteurs, s’adressent à tous ces gens venus de Cappadoce, de Libye, de Perse, de Mésopotamie etc. Les apôtres leur parlent en grec, en hébreu ou en araméen, c’est-à-dire dans leur langue à eux. Et voilà que chacun, venu de Césarée, d’Antioche, de Constantinople ou de Carthage, comprend ce que disent les apôtres, chacun dans sa propre langue. Ils n’ont pourtant pas fait l’École Berlitz !

À l’inverse des gens de Babel qui cherchaient à réaliser l’unité sans Dieu, au jour de la fête de Pentecôte c’est l’initiative divine qui rassemble. L’unité s’opère. La diversité reste intacte.

Que racontent les apôtres ? « Savez-vous, vous tous qui êtes là, ce qui vient de se passer, au cours de la semaine de préparation de la Pâque, à Jérusalem ? »

Les apôtres entament avec audace une prédication encore inconcevable quelques années plus tôt. Tout ce qui s’était passé les dépassait. Délaissant la crainte qui les avait paralysés quelques jours plus tôt, les voilà soudain envoyés missionnaires, depuis que le Christ ressuscité leur a dit : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 19-20).

L’Église vient de naître. Dans cette contrée reculée du Moyen-Orient. Elle n’est pourtant liée à aucune communauté particulière. Elle est « catholique ». Aucun pays, aucune culture, aucun groupe humain ne peut relativiser cette Église dont l’universalité est celle de l’Esprit Saint. L’Église est pour tous ! Depuis ce jour de Pentecôte où elle a reçu son ordre de mission universelle, depuis ce jour où chacun a compris dans sa langue propre ce qui s’adressait au monde entier.

Dans l’Église universelle chaque culture peut se retrouver. À la Pentecôte, l’Esprit Saint est descendu sur les apôtres, puis par eux sur les peuples que les apôtres et leurs successeurs ont enseignés. L’Église est apostolique parce que, envoyée par le Christ, elle opère à la manière des apôtres, elle s’érige sur leur foi.

L’Église fait confiance. Parce que tout ce qu’elle est, elle le doit au Christ qui l’a fondée, à l’Esprit qui la guide, au Père vers qui elle va.

Gérard Leroy