La naissance de l'Eglise orthodoxe

Au XIe siècle, la politique pontificale autoritaire exaspère les Byzantins. Les relations se tendent. À Constantinople on ferme les Églises latines. Une vive controverse s’amorce à propos des azymes ; le Cardinal Humbert de Moyenmoutier condamne le mariage des prêtres en usage en Orient depuis l’Antiquité, et accuse d’hérésie les Byzantins qui n’admettent pas le Filioque.

Sur cette question le concile de Constantinople avait opté en 381 pour la procession de l’Esprit « du Père et du Fils » (filioque procedit), tandis que les chrétiens orientaux, se distinguaient du credo romain, déclarant que « l’Esprit procède du Père par le Fils ».

L’évêque Michel Cérulaire, porte-parole du patriarche, renforce la divergence sur d’autres thèmes : l’observance du jeûne le samedi, la consommation de laitage pendant la première semaine sainte, l’obligation de célibat des prêtres, la date de Pâques, le rituel des liturgies, la place des icônes dans le culte, le port de la barbe par les prêtres... C'est là l’essentiel de ce qu’on a appelé les « querelles byzantines ».

Au printemps 1054, un événement politique va précipiter les choses. Le pape Léon IX envoie une ambassade auprès de l’Empereur byzantin pour demander une aide militaire contre les Normands qui menacent les États Pontificaux. Arrivés début juin, la délégation romaine de trois légats est courtoisement accueillie par l’empereur Constantin Monomaque ; le patriarche, en revanche, refuse de les recevoir !

Le matin du 16 juillet 1054, à Constantinople, les clercs et les fidèles se rendent à l’office de la cathédrale Sainte-Sophie. Les trois légats romains, dont l’impétueux Cardinal de Moyenmoutier, pénètrent dans le sanctuaire, se présentent comme les légats du pape Léon IX (qui vient de mourir) et déposent solennellement sur l’autel, face à une assemblée médusée, une bulle d’excommunication : « Nous, ne pouvant supporter les injures inouïes et les outrages adressés au Saint-Siège, remarquant que la foi catholique est en ceci notoirement atteinte, nous signons l’anathème contre Michel Cérulaire et ses fauteurs, s’ils ne venaient pas à résipiscence. » D’un geste rageur ils secouent la poussière de leurs sandales et déclarent « Que Dieu voit et juge », avant de retourner les talons. Stupeur des fidèles ! Menacés par les fidèles, les ambassadeurs pontificaux déguerpissent. Le 24 juillet, Michel Cérulaire, convoque un concile d’une vingtaine d’évêques, et obtient d’eux l’excommunication des auteurs de « la charte impie » déposée à Sainte-Sophie par les légats de Rome.

L’empire chrétien de Constantin est brisé. Après deux siècles de querelles entre Rome et Constantinople (entre « l’universelle » et « la juste-croyante »), les dernières zizanies ne portaient plus que sur les pratiques et les rites, « des affaires de barbe, de graisse et de saindoux » comme le résume le patriarche d’Antioche pour dédramatiser la brouille. L’hostilité s’accentue encore entre chrétiens occidentaux et Byzantins, auxquels se rallient les patriarcats Grec, Serbe, Bulgare, Russe, et Roumain. La rupture sera scellée en 1203/1204 avec la 4ème croisade qui mettra à sac la ville de Constantinople. Il faudra attendre 1965 pour que soient levés les anathèmes, à l'occasion de la rencontre mémorable du pape Paul VI avec le patriarche Athénagoras.

Gérard Leroy