Célébrons Pâques

L’homme sur la croix, crie vers son Père : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». « Pourquoi n’es-tu pas là ? ». Sa vie terrestre s’éteint dans cet appel désespéré. Cet homme aura été homme jusqu’au bout. Il a vécu humainement sa divinité. Il aura été l’irruption de l’inconditionné dans l’histoire, dans le conditionné humain.

Marie, la mère de Jésus, tremblante, sanglotant, est là, près de Marie-Madeleine fascinée par Jésus depuis qu’un jour elle l’a reçu chez elle. Son cœur est amoureux de Jésus. Marie-Madeleine a tranché pour celui que son cœur aime. Elles sont donc là, ce Vendredi, au pied de la Croix. Marie assiste impuissante et remplie d’effroi au supplice de son enfant.

La sépulture n’étant pas systématiquement accordée, les lambeaux des crucifiés sont offerts aux chiens et aux charognards. Joseph d’Arimathie est autorisé par Pilate à prendre le corps encore sanguinolent de Jésus pour l’ensevelir. Marie et Madeleine, restent là, prostrées devant le tombeau refermé, où repose désormais le corps de celui en qui elles avaient mis toute leur confiance. Serrées l’une contre l’autre, elles sanglotent en silence. Soudain, reviennent en leur mémoire les paroles que leur avait dites Jésus ; elles commencent à comprendre...

Le soleil se lève en ce matin d’avril derrière les Monts de Moab. Jérusalem dort encore. Les femmes apportent au tombeau des aromates préparés la veille. Le tombeau est vide ! La pierre a été roulée ! Bouleversées, elles courent vers les apôtres, toujours sous le choc des événements de la semaine. Alors qu’ils somnolent encore, les cris de ces femmes les secouent : « Où l’avez-vous mis ? La pierre a été enlevée ». « Nous aurait-il abandonné ? Pourquoi n’est-il pas là ? » Éberlués, les disciples ne les croient pas : « Paroles de bonnes femmes !” se disent-ils... “Elles radotent ! » (Lc 24, 11).

« Pourquoi n’est-il pas là ? » Les premières paroles de la Résurrection sont l’écho même des dernières paroles de Jésus sur la croix.

Tout ça pour quoi ? Jésus est mort pour nos péchés, dit l’Église. Qu’est-ce donc que le péché ? Le péché n’est pas inscrit pas dans le code civil. Le péché est le manquement d’amour et de justice. Tout est là. Rien que là. Or, l’homme est pêcheur. Mais il a vocation à être divinisé, depuis que le Fils, s’adressant à son Père lui dit : « Toi qui es en moi, et moi en toi, fais qu’ils soient un en nous ».

Est-il possible d’incorporer la Trinité sainte sans être délesté du péché ? Et qui peut en débarrasser, sinon Dieu lui-même ? Voilà pour quoi Jésus est mort. Pour offrir, par amour pour l’homme sa divinisation. La mort du Christ n’a pas été une fin, mais une aurore.

Le christianisme est fondé par cette Absence originaire, par le manque, le retrait. Les chrétiens ne sont fidèles à leur singularité propre que pour autant ils font la preuve que loin d’appartenir à une religion impérialiste et inclusive, le christianisme se définit par le manque, la kénose du Dieu de Jésus-Christ et du Christ lui-même. L’expérience chrétienne est d’abord l’expérience de cette origine toujours manquante qu’est l’altérité même de Dieu. que vient rappeler pour nous relier à lui : l’Esprit.

Gérard Leroy