De l’anglicanisme au cardinalat : John Henry Newman

Au XIXe siècle, un jeune mouvement tente de revivifier la religion anglicane, réduite à un culte austère, sans âme, se bornant le dimanche à une prédication éculée et à une récitation formaliste des psaumes. Un jeune étudiant d’Oxford, alors âgé de 23 ans, entré dans les ordres en 1834, se retrouve curé quatre ans plus tard de l’église anglicane de l’Université. C’est John Henry Newman, fils d’un financier londonien, et déjà connu lorsque, dès 1833, il multiplie ses écrits, alertes et hardis, qui sont comme des cris d’alarme inspirés par sa foi attentive à l’histoire de l’évolution du christianisme. Newman revendique l’indépendance de sa religion face à l'État britannique, sous la forme de « tracts », rejoignant ainsi le Mouvement d’Oxford dit « tractarien ». Précurseur du tournant herméneutique de la théologie, son travail cherche déjà à déchiffrer le sens des énoncés de la foi dans leur forme scripturaire, en tenant compte de l’expérience historique et culturelle de son temps.

Ce faisant, Newman ne songe aucunement à se rallier à l’Église catholique. En revanche, il esquisse un projet tout-à-fait original, qui vise à donner à l’Église anglicane une fonction médiatrice, une via media, entre une Église catholique trop figée et l’église anglicane qu’il juge trop éloignée de la tradition des Pères de l’Église, la patristique étant au centre de ses travaux. Mais très vite Newman en vient à douter de cette idée originale, et publie en 1841 un tract qui fait l’apologie de l’Église catholique, allant jusqu’à déclarer qu’elle est de la veine de la toute première Église apostolique. Scandale dans les rangs anglicans !

Newman se retire alors à Littlemore, tout près d’Oxford, le temps de peaufiner l’Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, qu’il publie en 1845. Dans cet essai la théologie de Newman se révèle, en même temps qu’il tente de montrer que l’Église catholique lui apparaît comme la seule ayant conservé le dépôt originel tout en opérant une relecture critique interprétative et significative des Textes fondateurs pour l’ histoire présente. L’année se termine et John Henry Newman abjure l’anglicanisme. Il décrit sa conversion au catholicisme dans Apologia Pro Vita Sua qui accroît sa notoriété. Après vingt ans de travaux il publie la Grammaire de l’assentiment, contre le développement du positivisme qui ne voit de vérité que dans les résultats des sciences expérimentales de la nature. Deux ans plus tard Newman est ordonné prêtre, à Rome. Trente ans plus tard, en 1879, alors qu’il est âgé de 78 ans, le pape Léon XIII le fait cardinal.

En 1890, saluant sa dépouille, un pasteur anglican déclarait : « L’Église romaine n’a pas plus de motifs que nous d’avoir de la reconnaissance envers cet homme qui est le fondateur de l’Église d’Angleterre telle que nous la voyons aujourd’hui ».

Newman aura exercé une influence considérable sur les intellectuels catholiques, comme Edith Stein, ou le jésuite Xavier Tillette qui le présentait comme une sorte de « cierge pascal » de l’Église catholique, ou sur des philosophes comme Erich Przywara. Béatifié en 2010, le Saint-Siège annonce aujourd’hui sa prochaine canonisation.

Gérard Leroy