La pluralité a-t-elle été voulue par le Créateur ?

La pluralité est-elle de fait, une contingence de l’histoire, ou bien de droit ? Autrement dit, le Créateur aurait-il voulu ce phénomène social important ? Que dit l’Écriture ? Deux textes nous éclairent : Babel et Pentecôte.

Babel (Gn 11), qu’est-ce que c’est ? Un projet humain d’unité marqué par la construction d’une tour, gigantesque, pour qu’on la vit de loin. Le Créateur regardant ce grand-œuvre craignit que les hommes s’abîment dans l’orgueil. Il vit alors que leur vanité s’excitait à mesure que la tour s’élevait. Il n’avait pas créé les hommes pour cela. Les vaniteux sont incapables d’aimer. Il décida de mettre fin à ce projet insensé. Les langues furent brouillées, les ordres incompris, les malentendus se multiplièrent, des querelles éclatèrent. Les ouvriers abandonnèrent alors leur ouvrage et se dispersèrent.

Un rêve tout-à-coup s’effondrait. Ces hommes qui avaient projeté d’accéder au ciel et de dominer la terre, désespéraient de ne jamais pouvoir parvenir à leurs fins. « Car Dieu confondit leur langage et les dispersa sur toute la face de la terre », dit le texte. Qu’est-ce que ça veut dire ? Un châtiment ? Certes pas ! Un coup de colère de Dieu et c’est à un cataclysme qu’il faut s’attendre. En revanche, le texte révèle la visée créatrice de Dieu : « Dieu répartit l’humanité sur toute la terre. »

La clé de lecture de cette histoire est au chapitre XII du Livre de la Genèse. Après la succession des malédictions, sur Adam, sur Ève, Caïn, Noé, Dieu intervient. Comment ? En bénissant Abraham. Abraham ? Sa fonction principale est de rassembler les peuples répartis sur toute la terre, issus des trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet. Sem est l’ancêtre des Sémites, Cham celui des Égyptiens, des Nubiens, des Libyens, des Éthiopiens, et Japhet celui des Phéniciens, des Philistins, des Mèdes et des Grecs. Dieu s’adressant à Abraham le bénit et lui dit : « Par toi se béniront toutes les nations de la terre. » Cette bénédiction des nations de la terre, par l’interposition d’Abraham qui unit la diversité de tous les clans, est à caractère universel. N’atteste t-elle pas le plan divin de la création?

En Ac 2, à l’inverse des gens de Babel qui cherchaient à réaliser l’unité sans Dieu, lors de la fête de Pentecôte c’est l’initiative divine qui rassemble. Cette fête, qui marquait à l’origine la moisson des blés commémore, dès le 13e siècle BC, le don de la Loi au Sinaï, 50 jours après le passage de la Mer des Roseaux. Elle attire des foules venues de partout : d’Égypte, de Libye, de Rome, de Mésopotamie, de Cappadoce etc. Les apôtres s’adressent à la foule, dans leur langue à eux. Et voilà que chacun entend les apôtres dans sa propre langue. L’unité s’opère. La diversité est intacte.

Toute cette diversité rassemblée à Jérusalem pour la Pentecôte ne fait-elle pas écho aux nations dispersées que Dieu a bénies en la personne d’Abraham ? La volonté du Créateur n’est-elle pas de créer du multiple ?

Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, cette société plurielle nous invite à vivre ensemble —et si possible bien. Ce qui exige qu’on abandonne nos vieux réflexes : le démon prédateur de l’inclusion, et le démon paresseux de l’exclusion.

Gérard Leroy